Le contexte du projet

Le contexte du projet

La loi du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, énonce que « toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale qui lui garantit l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens.» Elle a notamment instauré une nouvelle dynamique autour de l’accessibilité, traduite par une intention : « l’accès à tout pour tous », notamment l’accès aux soins. Une prise de conscience des carences en matière de santé pour les personnes handicapées a émergé ces dernières années. Si des progrès ont pu être réalisés, il existe encore de grandes difficultés pour leur permettre d’accéder à un parcours de santé de qualité et pour privilégier leur participation aux actions de santé les concernant, éléments fondamentaux de reconnaissance de leur pleine citoyenneté. Le projet « Ma S@nté 2.0 » s’ancre dans un contexte démographique, sanitaire, médico-social et législatif en pleine évolution et ayant pour ambition d’améliorer l’état de santé des personnes en situation de handicap. « Ma S@nté 2.0 » est une réelle opportunité d’apporter une réponse opérationnelle à l’ensemble des problématiques actuelles

Ma S@nté 2.0 » une réponse à des indicateurs de santé révélateurs de besoins chez les personnes en situation de handicap mental

Les personnes en situation de handicap mental ont un besoin de recours aux soins plus élevé que l’ensemble de la population. Les indicateurs de santé sont aujourd’hui très révélateurs des problématiques d’accès aux soins des personnes en situation de handicap.

Les études réalisées, notamment celle de l’IRDES(«L’accès aux soins courants et préventifs des personnes en situation de handicap en France» Tome 1; Les Rapports de L’IRDES n° 560 Juin 2015) ont apporté un éclairage important et permis d’identifier les écarts dans le recours aux soins des personnes en situation de handicap qu’elles soient en institution ou à domicile, et soulignent surtout que le recours aux soins est plus faible chez les personnes vivant au domicile. Le rapport de la commission d’audition publique de la HAS (audition publique : « Accès aux soins des personnes en situation de handicap ») pointait en 2009 que « Les personnes en situation de handicap(…) ont besoin de soins. Elles éprouvent des difficultés plus ou moins considérables, parfois insurmontables, pour accéder à ces soins». Une enquête réalisée en 2012 par l’Udapei du Nord auprès de 2 000 personnes en situation de handicap mental a révélé que ces personnes émettent un avis moins positif sur leur santé en général, comparé à l’ensemble de la population française. Sur un panel de personnes interrogées, 11% affirment avoir renoncé à des soins médicaux au cours des 12 derniers mois. Les soins dentaires et d’orthodontie représentent la majeure partie en termes de renoncement, suivis des consultations de médecin spécialiste. Si pratiquement la totalité des personnes ont consulté au moins une fois un médecin généraliste (et 62% un médecin spécialiste) au cours des douze derniers mois, le renoncement aux soins est un point important qui est apparu dans l’étude. Pour la personne vivant seule à domicile et sans accompagnement institutionnel, les difficultés dans l’accès aux soins peuvent résulter tout autant d’une insuffisance de recours au système que de la mauvaise adaptation de la réponse de celui-ci au problème posé. Les nombreuses études menées dans le cadre du plan « maladies rares » ont montré que l’ignorance des possibilités thérapeutiques et le retard en matière de dépistage précoce pouvaient amener à une sous-utilisation des possibilités de soins, les patients ne consultant qu’à des stades aggravés de leur maladie

Ensuite, l’étude de l’Udapei du Nord, montre que l’accès à la prévention présente des lacunes, peu de personnes en situation de handicap participent aux actions de prévention. Fréquemment, les examens de dépistage ne sont pas adaptés au handicap de la personne. Les chiffres illustrent parfaitement ces difficultés d’accès à la prévention : 20 % des personnes ignorent si elles sont à jour dans leurs vaccination, 56,6 % des femmes âgées de 20 à 80 ans déclarent ne pas avoir fait de mammographie, seulement 8 % des personnes interrogées ont eu recours au dépistage du cancer colorectal. Environ un tiers des personnes en situation de handicap perçoivent leur état de santé comme mauvais voire très mauvais contre environ 8% dans l’ensemble de la population, dans le Nord comme en France métropolitaine. Les campagnes d’information sont souvent tous publics et ne ciblent pas les personnes en situation de handicap. Les discours et/ou les modes de communication non adaptés (handicap intellectuel, autisme, handicap psychique …) ne permettent pas l’impact escompté d’une campagne de prévention.

Les questions médicales prennent pour les personnes en situation de handicap une place de plus en plus importante, en particulier en raison de l’allongement de leur durée de vie, des recours au soin tardifs et de la complexification du handicap qui en découle. En 2009, l’espérance moyenne de vie des personnes en situation de handicap est estimée globalement inférieure de 10 à 15 ans à celle de la population générale. Dans les années 70, une personne trisomique ne pouvait espérer vivre au-delà de 30 ans, aujourd’hui elle peut atteindre plus de 60 ans. Ce résultat a été acquis grâce aux progrès de la médecine, mais aussi grâce aux moyens d’accompagnements spécialisés et de prévention. Un phénomène qui concerne également les personnes ayant des handicaps sévères, comme le démontre une recherche récente conduite à la Fondation John Bost. En effet, en 10 ans, l’espérance de vie des personnes polyhandicapées a progressé de 5 ans (43 ans en 2000 à 48 ans en 2010). Cette avancée en âge des personnes handicapées est à l’origine d’un besoin en soins de plus en plus important comme dans la population générale (cancer, démence, maladies cardiovasculaires, atteintes sensorielles, atteintes musculo-squelettiques) mais avec des conséquences plus sévères du fait des déficiences préexistante.

La notion de situation complexe de handicap est mentionnée dès 2009, après application de l’article 39-II de la loi du 11 février 2005. Le décret n°2009-322 du 20 mars 2009 fait émerger la notion de situation de handicap complexe dans les textes législatifs à travers l’Art. D.344-5.1 « relatif aux obligations des établissements et services accueillant des personnes handicapées adultes n’ayant pu acquérir un minimum d’autonomie » pour les personnes présentant « une situation complexe de handicap, avec une altération de leur capacité de décision et d’action dans les actes essentiels de la vie quotidienne ». Ce décret s’applique uniquement à certaines catégories de structures médico-sociales (FAM, MAS, SAMSAH). La prise en charge en soin de ce type de handicap est très complexe et nécessite un travail important sur l’adaptation des lieux de soins, mais aussi des parcours de soins. Cette situation est encore plus prégnante pour les personnes vivant à domicile, accompagnées par des aidants dont la volonté s’épuise sur les obstacles rencontrés pour accéder à un système de soins satisfaisant et adapté à la problématique des personnes concernées.

Dans le contexte actuel, le parcours de soins de la personne handicapée est rendu complexe par la difficulté à disposer d’un outil facilitant son suivi médical, les échanges avec le corps médical liés à sa difficulté à exprimer sa douleur, ou encore l’objet de la consultation. Les difficultés rencontrées en santé sont très diverses et imbriquées à d’autres problèmes tels que l’adaptation de l’environnement, les difficultés de communication, les implications financières… Les stratégies mises en place par les aidants pour améliorer le suivi en santé de leurs proches sont également très diverses. Elles sont dépendantes de leur localisation géographique, de leur situation financière, de leur réseau personnel. Les difficultés d’accès aux soins sont souvent liées à : -des obstacles en termes d’accessibilité tels que des difficultés de déplacement et de mobilité, de relation verbale ou visuelle ainsi que des difficultés cognitives ; -des déficits particuliers de comportement et de communication tels qu’une moindre sensibilité et capacité à exprimer une douleur ou même un manque de confort ; -des dispositifs sanitaires et médico-sociaux insuffisamment coordonnés; En outre, identifier une personne ressource, levier à l’accompagnement en santé est primordial pour garantir une prise en compte exhaustive des besoins

Les Hauts-de-France : une région aux indicateurs de santé sinistrés avec une surreprésentation du handicap

Le diagnostic réalisé par l’Agence Régionale de Santé en février 2011 dans le cadre du Schéma Régional d’Organisation Médico-Sociale (SROMS) pour le Plan Régional de Santé (PRS) présente une situation plus défavorable dans le Nord et le Pas-de-Calais en matière de santé et de prévalence qu’au niveau national.
Les données relatives à l’état de santé font apparaître, dans la région Hauts-de-France, une espérance de vie à la naissance la plus faible de France (8,9 décès pour 1 000 habitants contre 8,4 au niveau national).
Les indicateurs de mortalité corroborent avec la situation sociale défavorable de la région. Le contexte social influe sur les situations de handicap. La prévalence des aspects sociaux (allocataire minima sociaux, affiliation CMU, chômage, pratiques liées à la mauvaise hygiène de vie…) est élevée dans la région Hauts-de-France. Les conduites de consommation à risque (alcool, tabac), les difficultés psychologiques, l’appauvrissement de la population, le recours tardif aux soins sont des facteurs de risque au développement de handicap à la naissance auxquels l’amélioration du diagnostic anténatal, de la prise en charge médicale de la grossesse et de l’accouchement et du suivi par des équipes spécialisées (neuro-pédiatres, CAMSP…) apportent des réponses.

On constate une surreprésentation du handicap dans la région à la fois dans le champ de l’enfance et de l’adulte. Les deux départements Nord et Pas-de-Calais ont un taux de bénéficiaires de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) supérieur au national avec un nombre plus élevé de bénéficiaires pour le Nord. Pour
les adultes, leur poids dans la population régionale est plus élevé qu’en moyenne nationale (2,91% contre 2,50%). Dans ces deux départements, 63 185 personnes sont allocataires de l’AAH en 2009.
Dans ce cadre, le handicap peut devenir un frein supplémentaire pour l’accès aux soins et aggraver l’état de santé des personnes concernées.

A toutes les problématiques citées préalablement s‘ajoute une démographie sanitaire et médicale aléatoire en fonction des territoires entraînant des inégalités d’accès aux soins face à la pénurie de certaines spécialités par zone de proximité. Certains territoires comme La Flandre Intérieure et le Hainaut-Cambrésis sont des territoires relativement isolés. Face à cela les personnes déficientes intellectuelles ont un accès difficile aux structures de santé et cela rend complexe l’organisation d’un parcours de santé coordonné

Le projet «Ma S@nté 2.0» a donc pour objectif de faire évoluer ces indicateurs en axant son travail sur la prévention et l’accès aux soins.
L’un des objectifs de «Ma S@nté 2.0» est de répondre à l’ambition de la Charte d’Ottawa de 1986 qui est de réduire les écarts actuels et de donner, à tous les individus les moyens et les occasions d’avoir recours aux soins et d’accroître et maintenir leur état de santé.

Nos ambitions, pour ce projet, cadrent avec les recommandations de Pascal Jacob, du 6 juin 2013 dans son rapport « un droit citoyen pour la personne handicapée, un parcours de soins et de santé sans rupture d’accompagnement », mais aussi en cohérence avec les recommandations de l’ANESM («L’accompagnement à la santé de la personne handicapée» juin 2013) en axant ses actions sur les aspects d’accès à la prévention, de coordination de proximité, sur l’aide aux aidants. Tous ces aspects permettent d’accroître l’accès aux soins des personnes en situation de handicap.
Le schéma de prévention régionale (SPR) Nord Pas-de-Calais 2012-2016 a pour objectif d’améliorer durablement la santé des habitants. L’un de ses axes a pour objectif de réduire l’impact des inégalités sociales, économiques et culturelles sur la santé, en favorisant l’accès aux soins et à la prévention des publics vulnérables et ainsi d’améliorer la qualité de vie et de développer le bien être des personnes.

Comme le précise le Programme Régional de Santé Nord Pas-de-Calais 2012-2016 : « Il ne peut y avoir de véritable promotion de la santé que si les personnes sont capables de participer activement et efficacement aux activités ou aux moyens mis en œuvre pour améliorer la santé ». Ce souhait a été émis pour les personnes ayant une problématique d’illettrisme. La notion de handicap peut parfaitement entrer dans cette volonté d’accessibilité en pensant des messages de prévention sous différents angles et méthodes.

Au travers du volet prévention du projet « Ma s@nté 2.0 », l’ensemble des associations partenaires participantes au projet a le souhait d’innover par des actions de prévention adaptées auprès des publics qu’elles accompagnent et dont elles ont l’expertise dans la prise en charge au quotidien.
Il est essentiel de rappeler que le projet « Ma s@nté 2.0 » s’inscrit dans l’une des priorités retenues par le Chef de l’Etat dans le cadre de la Conférence Nationale du Handicap du 11 décembre 2014, en faisant de l’accès aux soins des personnes en situation de handicap une priorité nationale. La déclinaison régionale a, par ailleurs, été affirmée lors de la signature de la charte Romain Jacob entre le Directeur Générale de l’Agence Régionale de Santé et 80 acteurs régionaux en juin 2015, dont l’ensemble des associations impliquées dans ce projet.

La loi de santé (promulguée au JO le 27 janvier 2016) réaffirme la priorisation de la prévention et le développement du parcours de santé. Cette volonté est confirmée par le souhait de mettre en place des parcours de soins coordonnés comme le précise le Décret n° 2016-919 du 4 juillet 2016.

Notre objectif est bien d’entrer dans l’ensemble de ces schémas, programmes et bonnes pratiques pour donner aux personnes en situation de handicap les moyens d’adopter des comportements plus favorables à leur santé, pour leur permettre de faire des choix responsables et notamment en travaillant sur la formation par les pairs, en travaillant des outils de prévention adaptés et en identifiant des parcours de soins facilitant l’autonomie de la personne.